Gilles Vigneault

« Il me reste un pays à te dire
Il me reste un pays à nommer
Il est au tréfonds de toi
N’a ni président ni roi
Il ressemble au pays même
Que je cherche au coeur de moi
Voilà le pays que j’aime »

« Un monde finit
Un autre commence
Tu peux ravaler ta romance
J’ai tout compris je pense
Qu’on n’est plus du même pays. »

Gilles Vigneault | 27 octobre 1928 | Natashquan au Québec

 
Gilles Vigneault est un poète,
auteur de contes et de chansons,
auteur-compositeur-interprète québécois et ascériculteur.
Fils d’un marin pêcheur et d’une institutrice de campagne, il étudie à Rimouski, puis à Québec.

Dans ses écrits, il décrit abondamment les gens et le pays de Natashquan, dont les particularités émanent notamment du fait que jusqu’en 1996, le canton est resté inaccessible depuis la route, dépendant ainsi des transports maritimes.

Gilles Vigneault s’affiche de longue date comme un ardent défenseur de la cause de la souveraineté du Québec et de la langue française en général. Parmi ses chansons, l’une des plus célèbres est Gens du pays, largement considérée comme l’hymne national de facto du Québec.


Le chemin montant
Un nouveau recueil de poèmes, inédits, de Gilles Vigneault nous fait entendre la voix du poète aussi assurée, aussi fraîche qu’au premier jour.

Parfois proches de la chanson ou du conte, parfois pure poésie, ces textes sont tout à la fois confidences, souvenirs, méditations sur l’écriture et, surtout, une invitation au lecteur d’éteindre les écrans « pour voir le jour s’allumer / Pour entendre des merveilles ».

Sans renoncer au classicisme toujours aussi rigoureux de la forme, Gilles Vigneault écrit une poésie qui est pour chacun de nous un accompagnement dans notre monde qui se transforme sans cesse, poésie à la fois intemporelle et au plus près de notre réalité.

Extrait

« Sur le chemin montant qui menait jusqu’à vous
J’ai changé de bâton, j’ai changé de semelles
Et quand je m’attardais assis près des margelles,
Le pèlerin en moi restait debout.

Chaque mot n’est qu’un pas de plus sur la neige
Le printemps n’aurait de mal à l’effacer.
Écrire c’est un peu l’impression d’avancer
Comme un renard qui va, mais sans souci de piège.

Ce chemin ne m’est pas tout à fait inconnu
Et j’en connais le bout mais jamais la distance
Qu’il me reste à courir … Au loin, on voit que dansent
Les ombres d’amis qui n’en sont point revenus ! »

 

« C’est beau. C’est simple. C’est riche.
Les confidences de Gilles Vigneault m’ont emportée autant que ses souvenirs ont imprégné mon esprit.
Ses méditations sur l’écriture ont interpellé ma plume et attisé ma propre passion.
Tout en musicalité, les vers glissent facilement dans notre esprit et évoquent des images agréables et paisibles.
J’aime que ses réflexions soient accessibles à tous.
Un incontournable de la poésie ! »

Justine Saint-Pierre | Librairie du Portage (Rivière-du-Loup) QC.

Texte de douceurs
par Gilles Vigneault
en ce temps de pandémie
et de confinement,
printemps 2020

L’APRÈS SE PRÉPARE MAINTENANT

J

e ne me considère pas comme un oracle ou quelqu’un de sage. Enfin, sage : peut-être la semaine prochaine ! Mais je suis une personne à risque, j’ai 91 ans, c’est la seule chose qui me donne le droit de parler…

Ce que je fais aujourd’hui ?
Eh bien, le Bouddha a dit : “Fais ce que tu fais d’habitude, en ayant beaucoup d’empathie.” Bouddha, j’en ai une statue dans mon jardin. Des fois, je vais la voir… Et je lui pose des questions. C’est drôle, elle me répond ! Elle me dit : “Pense à l’autre.” Elle me dit : “Tu es dans l’impermanence.”
Je pense que c’est ce que la pandémie nous a laissé de plus précieux : nous ne serons plus les mêmes, comme nous n’avons plus été les mêmes après la bombe atomique. Aujourd’hui, il faut des réflexions qui ne soient pas toujours conduites par les taux d’intérêt et l’argent. Des fois, je me dis : “Est-ce que nous méritons la Terre ?”

Si je m’ennuie ? Je ne m’ennuie jamais !
L’expression “je m’ennuie” a une curieuse signification pour moi, c’est pronominal, ça rebondit sur le pronom : je suis celui qui ennuie moi ! Quand tu fais face à ça, tu te dis : “Je vais attendre que les autres m’ennuient, et là je vais me plaindre !” Je ne m’ennuie jamais. Je rêve beaucoup. Il m’arrive de parler. Mais il m’arrive beaucoup, beaucoup plus de me taire ! C’est simplement un exercice de préparation pour plus tard, c’est du rodage…

Ça ne sert à rien de se confiner à écouter la peur… La peur ! On la connaît, la peur. Elle arrive, laide comme un pou, on lui dit qu’elle est laide, elle retourne se maquiller et revient belle comme une déesse des variétés : faut jamais se laisser abuser par la peur !

C’est bien de prier ! Mais on ne peut pas se confier qu’aux prières. Quand on se confie aux prières, on donne le job à quelqu’un d’autre. Mais quand on se confie à soi-même, là on est à l’ouvrage !

On apprend qui nous sommes dans cette pandémie, on apprend que nous sommes tous devenus responsables de nous, et du voisin. C’est extraordinaire. Ça ne nous est jamais arrivé avant. C’est un moment de réflexion, de réalisation de ce qu’est la planète, de ce qu’on est… C’est la première fois dans l’histoire de la Terre habitée qu’on a une photographie instantanée de nous-mêmes. Et chacun de nous peut faire un selfie : c’est un immense miroir qui nous dit qui nous sommes et ce que nous faisons sur cette Terre. Qui nous dit d’où nous venons. Qui nous demande : “Êtes-vous digne de cette planète ?” Et on ne sait pas trop quoi répondre. C’est la première fois qu’on a une photographie qui nous renvoie notre image : est-ce qu’on continue comme ça ? Oui, il faut penser à l’autre, l’autre juste à côté… L’autre qu’on a un peu oublié…

Réfléchir, c’est fléchir le genou de nouveau, s’apercevoir qu’on s’est trompé. Réfléchir, c’est s’arrêter… Il y aura un après, il en est sûr. Mais l’après se prépare maintenant.

Alors le Bouddha m’a dit ce matin : “Que fais-tu aujourd’hui ?” J’ai répondu : “Du sirop !” Il m’a dit : “Continue et donnes-en à tout le monde…” »


Citations

À la question d’un garçon de neuf ans :
« À quoi sert la poésie ? »
Gilles Vigneault répond:
« La poésie, c’est comme l’eau pour les arbres.
C’est de l’eau pour l’âme. »

« J’ai pour toi un lac quelque part au monde
Un beau lac tout bleu
Comme un œil ouvert sur la nuit profonde
Un cristal frileux »

« Donner à la beauté sa place dans la vie,
c’est donner à l’hiver des promesses d’été,
c’est un vrai jeu d’enfants, mais un travail d’ancêtre.
On fait les cerfs-volants,
les jours calmes,
pour être tout prêts les jours de vent. »

« Un livre, c’est un arbre qui cherche comment dire à toute la forêt qu’il y a une vie … après la vie. »

« La marée, le vent, le sable, la pluie et la neige
sont des professeurs d’humilité »

« Accoster au quai, ce n’est pas un naufrage, mais c’est une fin de voyage, aussi. On n’a pas besoin de faire un naufrage de la mort. »

 

ENTRE MUSIQUE ET POÉSIE

Entre musique et poésie
Entre prescience et nostalgie
Entre espoir et mélancolie
Entre la corde et l’arcanson
Entre le cri et la parole
Entre le ruisseau et l’école
Est née un jour la sage-folle
Qu’on appelle encor la chanson
Est-ce un cri de joie ou de guerre
Est-ce un enfant ou bien sa mère
Est-ce l’amour qui sur la terre
Inventa le premier refrain?
Comptine, berceuse ou romance
Chaque siècle s’y recommence
La chanson c’est la voix immense
Qui parle au nom du coeur humain
Avec trois mots d’amour en tête
Voyez la moindre chansonnette
Qui fait le tour de la planète
Revient et dit: c’est votre tour
À la complainte, à la rengaine
Qui se sont donné tant de peine
Pour entrer dans la grande chaîne
Puis en sortir le même jour
Avec trois accords de guitare
Deux amants…