Éric Cornellier

enseignant au primaire.
Intéressé par les arts et la philosophie.
Passionné de musique et d’opéra.

 
⎯ Je lis Éric Cornellier sur Twitter depuis quelques années.
Ses textes, colorés par sa vie quotidienne, invitent au repos du coeur et de l’esprit.
Ses mots répandent une lumière bienfaisante sur cet ère sombre de 2020. ⎯

Pensées et réflexions

 

Il y a des jours
Où les mots en nous
Ne veulent plus chanter.

Reste le rythme sans musique
De nos pas dans la neige.

Reste, au milieu de cette grande fatigue,
Un mélange de souvenirs et d’espérances
Sans visages.

( 22 janvier 2020 )

★ ★ ★

La tristesse de Nelligan
est comme
un souffle froid d’hiver.

Une beauté blanche
qui aveugle
et qui éclaire.

L’espérance
d’être ici poète
de langue française,

en cette terre d’Amérique.

Et de dire cette beauté nouvelle
qui nous illumine

et qui se veut
universelle.

★ ★ ★

Il neige…

Chaque flocon est
Comme une petite main de tendresse.

Chorégraphie blanche
De toutes les enfances retrouvées,

La neige chante doucement
Une berceuse immémoriale.

★ ★ ★

Des flocons de neige
Qui tombent
Autour de ma maison.

Et moi, à l’intérieur,
Près de ma fournaise
Au mazout,

Qui rêve
À tout ce qui serait beau et vrai
D’entreprendre et d’aimer.

Un certain bonheur
De l’hiver québécois,

Une espérance qui devient.

★ ★ ★

Cherche en moi,
Dans le dénuement

D’une promenade villageoise,
La vérité mathématique

Des flocons de neige
Qui tombent.

Aurai trouvé
La beauté d’une jeune fille

Qui est devenue ma femme.

Aurai trouvé le secret
D’une beauté fidèle et désirable

Qui ne meurt pas.

★ ★ ★

Mes poèmes
Se perdent

Dans les bruits
Ambiants

Du monde et des distractions.

Qu’importe,
J’affirme ma présence

Nécessaire
Et je chante

Sur les chemins
D’avenir

Et de la beauté.

★ ★ ★

En nous,
Pleure le poème inachevé
De notre vie.

D’autres jours,
Il ne pleure plus,
Il rit.

Pleurer ou rire,

La pluie ou le beau temps
Est notre existence en acte

Qui ne vit
Que par ratification amoureuse.

★ ★ ★

J’appelle en moi
La pauvreté des mots,

La pauvreté de tout
Ce que j’ai aimé.

N’ai plus d’autres
Bonheurs vrais à défendre

Que ce qui a illuminé ma vie.

J’appelle en moi
La force révolutionnaire du poème vivant;

Je sais qu’elle viendra.

★ ★ ★

Le jour tombe,
Il fait déjà presque noir.

Les petites lumières
De mon sapin de Noël brillent

Comme pour nous rappeler
Que l’espérance n’est pas morte.

Ces petites lumières…
Qui ne peuvent qu’éclairer

Le fond de notre coeur.

★ ★ ★

On gratte sa guitare,
On chante plus ou moins bien.

On pleure sur tout
Ce qui nous manque.

Et l’on voudrait
Que des enfants naissent

Pour continuer
L’aventure de l’amour.

Cette aventure qui est
La plus belle,

La première et la dernière,
Celle que l’on garde en soi

★ ★ ★

Vendredi après-midi.
Mes élèves de 3e année sont énervés.
Je leur dis : «Je vais vous chanter des chansons que je chantais à mes enfants pour les endormir.»
Et je chante alors ces chansons.
Le miracle opère.
Ils se calment.
Je me sens alors comme un charmeur de serpents, heureux.

★ ★ ★

Par les fenêtres
de ma salle de classe,

je vois
la cheminée
d’une petite maison blanche
qui fume.

Assis
derrière leurs pupitres,
mes élèves lisent.

L’avenir n’a pas
d’autre nom

que cette communion

au silence gracieux
de la lecture.

(Poème écrit le 18 janvier 2018)

★ ★ ★

Être Québécois
A un sens fort et nécessaire

Que nous n’avions pas prévu.

Nous nous découvrons
Responsables du monde.

Pour cela,
Il nous faut le courage

D’être indépendants
Politiquement.

Honte à tous ceux
Qui ne savent pas se lever

Pour crier l’heure d’être libres

★ ★ ★

Une petite maison blanche sous le soleil, il me semble toujours que cela est suffisant pour être heureux. La vraie philosophie relève d’une simplification des désirs, une simplification qui n’enlève rien à l’ardeur amoureuse de notre présence à l’être du monde.

★ ★ ★

Tomber sur un roman d’Albert Camus un vendredi soir, c’est immanquablement s’immerger dans les méandres de la philosophie existentielle.
En voici pour preuve les dernières lignes de « La chute » (Gallimard, 1956) :

« Mais rassurons-nous !
Il est trop tard, maintenant, il sera toujours trop tard.
Heureusement ! »

 
★ ★ ★

Rousseau est le père de la pédagogie moderne. Ce n’est pas moi qui vais le contredire sur le bonheur vrai de la tranquillité et du repos. Vivre sa vie dans la vérité de son être n’est pas accomplir des exploits, mais vivre humblement et dans le bonheur simple d’exister et d’aimer

★ ★ ★

La tristesse de Nelligan
est comme
un souffle froid d’hiver.

Une beauté blanche
qui aveugle
et qui éclaire.

L’espérance
d’être ici poète
de langue française,

en cette terre d’Amérique.

Et de dire cette beauté nouvelle
qui nous illumine

et qui se veut
universelle.

★ ★ ★

Un mot,
Un autre.

J’attends qu’ils éclairent
La page sur laquelle

Je trace des signes
Incertains.

J’attends,
Et peut-être que cela

Appelle une lumière ancienne.

Une lumière du temps
Où elle était encore jeune et neuve.

★ ★ ★

Depuis longtemps,
J’ai abandonné le compte des étoiles.

Je les sais innombrables.

Cet infini des nombres
Me berce comme une mère,
Belle, douce et aimante.

Nous pouvons être heureux et chanter,
L’avenir nous dépasse infiniment.

★ ★ ★

Des étoiles,
J’en voudrais

Et j’en aurais besoin.

Mais voilà,

Je sais que mon désir
N’est pas

Tout puissant.

Je vais aller dormir
Ou mourir.

Quelle importance
Puisque les étoiles

Sont indifférentes.

★ ★ ★

On a en soi
Les plus beaux souvenirs

Du soleil d’après l’école

Et des escapades pédestres
Qui sont toujours les plus belles.

On a en soi
Une accumulation de bonheur et de lumière.

Cela demeure au coeur même de tous nos hivers.

★ ★ ★

Être à la fois
Très fatigué, mais heureux.

Être chez soi
Comme si c’était un cadeau.

Avoir trouvé
Une sorte d’apaisement

Qui fait la joie.

★ ★ ★

Ce matin,
Je suis allé à la rencontre
De la lumière d’octobre.

Elle a posé
Sa main sur mon front
Comme une femme aimante.

J’ai vu des feuilles qui,
Se détachant des branches,
Dansaient en hommage à la Terre.

J’étais au centre du monde.

★ ★ ★

Dimanche après-midi.

Toutes les tristesses du monde
Se sont donné rendez-vous.

L’étrange vertu de la perte
Irrémédiable

Opère en nous
Un douloureux renouvellement.

★ ★ ★

Dans la nuit, j’ai vu
Là où vous viviez.

J’ai vu notre fragilité commune.

J’ai vu à partir de quelle désespérance
Il nous faudrait construire demain.

Père, mère,
Je suis votre enfant

D’aussi loin que les origines de la mémoire.

★ ★ ★

J’avance en d’étranges abstractions.

Tous mes désirs se tendent
Vers cette forêt

Qui m’est proche.

Blanche-Neige vient à ma rencontre.

Elle me confie le secret
De sa fuite en elle-même.

Jamais elle n’était allée aussi loin
Dans la beauté crue de son dénuement.

★ ★ ★

Demain, je serai dans ma classe
À l’école du village

Sur la rue Principale.

De l’autre côté de la rue,
L’église paroissiale et le cimetière,

Mon grand-père et ma grand-mère
Qui y reposent.

Demain, je serai debout
Dans une terre qui mélange
Avenir et passé.

Je serai

★ ★ ★

Enseigner, c’est d’abord aller à la rencontre d’êtres humains qui ont été lancés dans le monde sans savoir pourquoi. Les raisons de vivre, d’aimer, de travailler et de créer, c’est à nous, éducateurs, de les trouver et de les justifier. L’utilité de chaque être est création.

★ ★ ★

En revenant de l’école,
Je suis allé aux nouvelles.

Je suis allé entendre
Le ruisseau couler.

J’ai tendu l’oreille au vent
Chantant dans les feuilles restantes.

J’ai marché quelques pas
Dans la lumière déclinante du jour.

Et je suis rentré chez moi,
Presque heureux.