Éloge de la vieillesse

 

selon Hermann HESSE | Éloge de la vieillesse, 1952
Il est un romancier, poète, peintre et essayiste allemand puis suisse.
Il est né à Calw, en Allemagne le 2 juillet 1877
et mort à Montagnola en Suisse le 9 août 1962.

 

photographie : Mon jardin 03/10/2015 | Jisca

L

a vieillesse ne devient médiocre que lorsqu’elle prend des airs de jeunesse.
a jeunesse a besoin de pouvoir se prendre au sérieux.
La vieillesse a besoin de pouvoir se sacrifier parce qu’elle prend au sérieux ce qui la dépasse.

Dans ce jardin de la vieillesse s’épanouissent les fleurs que nous aurions à peine songé cultiver autrefois. Ici fleurit la patience, une plante noble.
Nous devenons paisibles, tolérants, et plus notre désir d’intervenir, d’agir diminue, plus nous voyons croître notre capacité à observer, à écouter la nature aussi bien que les hommes.
Nous laissons leur existence se développer devant nous sans éprouver aucune volonté critique, avec un étonnement toujours renouvelé face à leur diversité.
Parfois nous ressentons de l’intérêt et un regret silencieux, parfois nous rions avec un enthousiasme limpide, avec humour. 

La dernière période d’une vie est caractérisée par un climat particulier, un manque étrange de consistance qui entraîne la perte du contact avec le réel, de la proximité avec lui.
La réalité, qui constitue déjà une dimension quelque peu incertaine de l’existence, se fait encore plus ténue et transparente. Elle ne nous impose plus ses exigences avec la violence et la brusquerie d’autrefois, elle nous laisse dialoguer, traiter avec elle.

FEUILLE MORTE
Toutes les fleurs veulent se changer en fruits,
Toute matinée veut devenir soirée,
Sur terre rien n’est éternité,
Si ce n’est le mouvement, le temps qui fuit.

Même le plus bel été veut voir une fois
La nature qui se fane, l’automne qui vient.
Reste tranquille, feuille, garde ton sang-froid
Lorsque le vent veut t’enlever au loin.

Poursuis tes jeux et ne te défends pas,
Laisse les choses advenir sans heurts,
Laisse enfin le vent qui te détacha
Te conduire jusqu’à ta demeure.

MORNE JOURNÉE D’HIVER
C’est une morne journée d’hiver
Sans bruit, sans luminosité
Une vieille revêche qui n’aime guère
Qu’on vienne encore lui parler.
Elle écoute s’écouler le fleuve
Plein de flamme, d’élan juvénile,
Cette impatiente force neuve
Lui semble bruyante, inutile.
Moqueuse elle plisse les yeux,
Dispensant toujours moins de clarté
Et se met à neiger peu à peu,
Sa face est désormais voilée.
Son rêve de vieille est interrompu
Par les mouettes aux cris stridents,
Et les merles dans les sorbiers nus
Qui se chamaillent constamment.
Cette fièvre lui insuffle une gaieté neuve
Avec toute son exubérance ;
Ainsi ses flocons de neige pleuvent
Jusqu’à ce que la nuit s’avance.