Gao Xingjian

Gao Xingjan ( 1949- )
est né le 4 janvier 1940 à Ganzhou en Chine, est un écrivain, dramaturge, metteur en scène et peintre français d’origine chinoise qui a obtenu le Prix Nobel de littérature en 2000.

Il a écrit une dizaine de pièces et un opéra, mis en scènes régulièrement à Hong-Kong et Taïwan. Son théâtre, expérimental, qui mêle l’influence moderne occidentale – de Brecht notamment – et le spectacle traditionnel chinois lui a valu les foudres du régime communiste.

Réfugié politique depuis 1989, il vit à Paris.

 

 

Oeuvres de Gao Xingjian en français
⏤ La montagne de l’âme Gao Xingjian, Points, 2007
⏤ Le livre d’un homme seul, Gao Xingjian, Points, 2015
⏤ L’art d’un homme libre, Gao Xingjian, Seuil, 2017
⏤ Quatre quatuors pour un week-end, Gao Xingjian, 2001
⏤ Le quêteur de la mort ; l’autre rive ; la neige en août, Gao Xingjian, Seuil, 2004
⏤ De la création, Gao Xingjian, Seuil, 2013
⏤ Dialoguer-interloquer, Gao Xingjian, Lansman, 2001
⏤ Le somnanbule, Gao Xingjian, Lansmann, 2002
⏤ Ballade nocturne, Gao Xingjian, Eoliennes, 2012
⏤ L’errance de l’oiseau, Gao Xingjian, Seuil, 2003

La montagne de l’âme

Dans la lumière orangée du matin, les couleurs des montagnes sont pures et fraîches, l’air limpide et clair, tu ne sembles pas avoir passé une nuit blanche, tu serres une épaule douce, sa tête est appuyée contre toi. Tu ne sais pas si c’est la jeune fille que tu as vue en rêve cette nuit, tu ne distingues plus quelle est la plus réelle des deux. » Ces montagnes sont celles du Séchuan, région orientale de la Chine que parcourt le narrateur du roman de Gao Xingjian, prix Nobel 2000.

Né en 1940, en Chine, Gao Xingjian est dramaturge, poète, traducteur de Beckett, Prévert, Ionesco, et auteur de ce roman splendide qu’est La Montagne de l’âme. Spécialisé en langue et littérature françaises à l’Institut des langues étrangères de Pékin, Xingjian devient dans les années 70 la cible parfaite des défenseurs de la Révolution culturelle chinoise: il défend l’individualisme, s’oppose à l’endoctrinement du Parti qui veut dicter aux artistes leur conduite. Xingjian fuit donc son pays à la fin des années 80, et, depuis, vit à Paris, en exil.

Ce prix Nobel fait sortir de l’ombre un écrivain tout à fait original, qui permet de découvrir une Chine moderne, pleine de vie et, bien sûr, de contradictions. Mais c’est d’abord le parcours d’un homme qui renaît que raconte Xingjian. « Je viens de connaître un événement grave. Les médecins ont diagnostiqué à tort un cancer du poumon. La mort m’a fait une plaisanterie et je suis finalement parvenu à franchir l’obstacle qu’elle m’a tendu. En moi-même, je me réjouis. La vie m’a redonné une immense fraîcheur. »

Notre homme partira en quête de sa vérité, comme il le dit, à travers les villages et montagnes de ce pays où il a grandi. Assez de temps perdu, il lui faut se mesurer à la vie, à la terre, aux forêts, aux humains. Conté comme un récit de voyage, presque comme une épopée, La Montagne de l’âme est rempli de digressions, d’anecdotes, de légendes rapportées, de chansons et de poèmes traditionnels. Le livre est plein de ses rencontres, avec des hommes et des femmes qui lui montrent leur vie, leur monde, leur intimité, leurs rêves, et partagent avec lui parfois un repas, une soirée, une nuit, selon les occasions qui se présentent. Ce sera, par exemple, une dispute avec des voisins de chambre, en train de jouer, alors que le règlement l’interdit. « Quatre visages étranges avec des morceaux de papier collés sur les sourcils, sur les lèvres, sur le nez ou les joues. Ils sont aussi effrayants que comiques. Mais ils ne rient pas et se contentent de te regarder. Tu les as dérangés, manifestement, ils sont en colère. »

Ce sera aussi cette jeune femme, modèle, rencontrée en chemin, qui l’invite à converser sur l’importance de l’art. « L’art, à côté de la nature, est blafard et indigent. Seuls les fous considèrent que l’art est supérieur à la nature. – Et pourquoi fais-tu de l’art? demande-t-elle. » Gao Xingjian, connu surtout pour son théâtre, n’a pas chassé le dramaturge en lui pour écrire La Montagne de l’âme, au contraire: les dialogues sont vivants, brillants, les personnages, incarnés. Mais, même s’il parle de lui, de sa quête, le narrateur, double de Xingjian, devise sur le pays qu’il observe; sur la disparition des pandas, sur les constructions sauvages et leur influence néfaste sur l’écologie, sur les mariages forcés des jeunes filles, sur la politique de l’enfant unique; bref, le commentaire politique et social n’est jamais vraiment loin.

Gao Xingjian, victime de la répression pendant la Révolution culturelle, a subi les foudres des autorités, et brûlé une valise pleine de ses propres manuscrits, lors de son séjour dans les camps de rééducation. Son récit, plein d’humour et de tendresse, est une ode à la connaissance et à la littérature, à la création, et à la libre pensée; des thèmes qui sont au centre de La Montagne de l’âme.

La Montagne de l’âme
一 Gao Xingjian
Éd. de l’Aube, 2000, 669 p.

Poésie

Sans titre,
Encre de Chine sur papier, GX

L’errance de l’oiseau

 
Si tu es un oiseau
Rien d’autre qu’un oiseau
Au moment où le vent se lève
Tu t’envoles
Écarquillant ton œil tout rond
Tu regardes dans l’obscurité ce sacré bas monde
Au-delà du marais des ennuis
En vol de nuit, sans but précis
À l’écoute du sifflement de l’air et le cœur battant
Quelle aisance dans l’errance
Brouillard ou nuage
Tu traverses d’un large trait
Et recueilles la lueur et l’aurore
Tout en survolant les montagnes mouvantes
Puis un lac tournant miraculeusement
C’est ainsi que ton esprit circule
Entre le désert et la mer, à la jonction du jour et de la nuit
Tandis qu’un œil immense te conduit vers l’inconnu.