Patrick Larriveau

La route, c’est plein de surprises pour peu qu’on fasse gaffe, qu’on entretienne au mieux le pare-brise et les essuie-glaces. On ne sait jamais trop où l’on va. On sait juste, qu’un jour ou l’autre, y a le terminus tout’le monde descend. On rend les clés. D’ici là faut s’appliquer à ne pas avoir de regrets pour enfin laisser tranquille sa tôle froissée rouillée sur le bord de la route.
Patrick Larriveau

Patrick Larriveau (1958- )
est professeur des écoles dans le sud de la Réunion.
Ses publications
– Éloge de la fluidité (2019)
– Rodrigues, l’île doucement (2018) avec Patrick Larriveau comme Illustrateur
– Le bunker Treizième témoignage (2017)
– Un après-midi (2015)
– Ladakh, l’autre espace (2015)
– La petite chose des jours (2014)
– Jo Corre est mort (2012)
– Voyages, voyages (2010)
– Chair obscure (2005)

 
 

Éloge de la fluidité (2019)
RÉSUMÉ
La vie s’écoule et t’entraîne dans ses remous.
Eaux profondes ou de surface, troubles ou transparentes.
Tu peux te débattre, résister ou glisser, te laisser porter par/dans cette fluidité.
Si tu te fais habile, léger, joueur, insaisissable tu peux trouver quelque sagesse et douceur à exister.
Ainsi chaque mouvement qui, dans l’espace du courant, fut, est ou sera t’émeut profondément.
D’autant plus que toi aussi, comme la feuille sur l’onde, tu t’éloignes.

 
 

Extraits

Pas de forêt où te perdre, de lieu pour te cacher, d’herbe tendre pour te reposer. Pas de fuite possible. Tu es pris dans l’intensité, forte ou faible, des remous. Chaotiques sont les heures. Et même s’il en est de paisibles, elles vont, cristallines, s’écoulant dans l’oubli. Ne va pas croire en l’instant présent, en cette immobilité feinte. Nul arrêt sur image. Même arrimé au quai, le bateau tangue. Même épinglé au fil, le drap s’amuse avec le vent.
La vie a plus d’un courant dans son océan. Alors pourquoi as-tu peur ?
Naître donc et se laisser glisser, tout est fluide ici, il n’est d’autre chemin.

PENSER
In-fluence.
Panser l’existence.
Tout n’est que pensée.
Préhension, appréhension, compréhension. Sensation, émotion, vision, illusion, création. Tout passe par le filtre de ton cerveau. Ton histoire, qui est autres, qui a commencé bien avant toi, n’est qu’une suite de pensées. Aperçus. Continuité. Incessant battement. Ballottement.
La pensée a cette possibilité magique de se savoir penser ou pensée. Dédoublement et plus. Conscience d’avoir conscience. Inconscience aussi, comme une autre sente. Tout est chemin de traverse.
Où es-tu dans ce processus ? Es-tu autre chose que ce fonctionnement mental ?

Liquide est la pensée. Insaisissable cours du temps et de l’espace emmêlés. Énergie souple. Virevoltante. Et pourtant outil, nourriture, plancton, porte entrou- verte, réseau, passage obligé. Rien que pour toi. Cadeau. La pensée est don. Et pourtant sagesse ou pas. Et pourtant savoir ou ignorance. Et pourtant alliée puissante ou ennemie sournoise. Ondulation certaine de tes va-et-vient intérieurs. Réponses quoti- diennes aux problématiques de l’extérieur. Pendulaire entre bien-être et mal-être. Comtoise de tes errements. Elle t’offre la possibilité d’aller au-delà de cela, d’accepter d’être aspiré, conduit, éconduit. Et tu verras, finalement assuré, rassuré.
Il t’appartient d’être son partenaire, d’en faire une complice, de la délaisser parfois, de lui en vouloir, de percevoir le nécessaire dans ses bavardages inutiles et l’inutile dans ses bavardages nécessaires, de la choyer comme ton bien le plus précieux. Cette douce confiance qui s’établit. Et quand tu auras trouvé, par de petites joies passagères et indicatrices, le bienfait installé d’être en sa compagnie, tu ne craindras plus rien.
Penser donc et se laisser glisser, tout est fluide ici, il n’est d’autre chemin.

Éditeur: Jacques Flament