L’arbre

Respect de l’arbre

 
 
Culturellement, je suis du côté des arbres.
J’aime l’idée du statique, de l’enracinement.
J’aime la circulation immobile de l’arbre, qui va puiser dans les tréfonds et qui va projeter au ciel ce qu’il a attrapé dans la terre.

J’aime la grande politesse de l’arbre.
Dans la forêt, on se couche, on regarde le ciel et le houppier, les frondaisons des arbres dessinent des taches dans le ciel et ne se touchent pas. Les arbres sont proches, mais leurs masses de feuillages ne s’interpénètrent pas, ne se télescopent pas, elles se frôlent, dans une sorte de politesse absolue.

On parle beaucoup de cette chose qui n’existe plus, le « vivre ensemble », mais mettons-nous dans la forêt, où les arbres vivent très bien ensemble.

Une fois que j’ai dit ça, je me suis rangé culturellement du côté des arbres, il y a le solfège existentiel.
Et là je suis mobile, je ne suis pas du tout un arbre, je suis plutôt une espèce de bête un peu névrotiquement aspirée par l’horizon et le mouvement.
On peut tout à fait avoir une fascination, comme je l’ai, pour le mode de vie des arbres, et en choisir un autre. C’est mon cas. Mais il y a des arbres qui marchent. J’en ai vu. Dans les mangroves, ils se déplacent, lentement, leurs racines sont mobiles. Ils sont comme sur des échasses. Tolkien dans Le Seigneur des anneaux, décrit une population d’arbres mobiles, les Ents.

Sylvain TESSON,
Prix Renaudot 2019 pour son livre, « La panthère des neiges »