Violence conjugale

 

TU VAS LA FERMER
Les coups s’abattent
exsangue un corps
niche dans ses abîmes
tu vas la fermer
je te jure
expirent la décence
la blancheur du cri.

***

Des printemps s’enlacent
menacent du même souffle
les élans les espaces
avril sous les vents
t’annonce une mort subite
ou serait-ce que le ciel
ébauche sa migration ?

***

Les cartes s’affolent
voyagent entre les tranchées
on a troqué les semences
pour des valises informes
mille moissons perdues
ici des mères oublieuses
cultivent leur matrice.

***

Tu la confonds avec les projectiles
des pièces dévorées par la rouille
jetées dans le ravin autrefois
cet homme qui te servait de père
a oublié de dire
on ne froisse pas les filles
comme tôle on les étreint.

***

La folie rencontre sa corolle
ni enfant ni tout à fait femme
une pensée devient solide
s’affaisse devant les puits que creusaient ses aïeux
avant de plomber leurs abois
sur la mine où tu loges.

***

Une gamine
plus maigre qu’un coléoptère
elle rampe sous ton ombre
gruge le frisson d’être née
le médecin qui la scrute
lui dit la prochaine fois
vous viendrez pieds devant.

***

Il eût fallu une santé
celle des chairs
celle de l’âme aussi
quand les bêtes vous habitent
se domptent entre deux soleils
il eût fallu vivre
dans une meilleure auréole.

***

Une claque puis une autre
des astres pleuvent derrière les tempes
t’arment pour des luttes souveraines
le vrai combat commence
le jour où tu cesses de croire
ta vie sauve tombe
un masque de renard roux.

***

Elle voudra se lever
ferrer d’audace un souffle
mais c’est sans compter
le furieux du haut de ses orages
la marche du funambule
fume, mauvais génie
un calumet allumé par personne.

***

Elle t’attend repu
te voit déposer tes ombres
tes couteaux
la lune vous a rejoints
pour un dernier conclave
l’aube rédige ses minutes
tu vas la fermer.

Cette suite de poèmes de Catherine Morency
a paru dans la revue Estuaire, numéro 176, en mars 2019