« Un bon poème, c’est une petite machine qui va fonctionner si tu lui donnes ton énergie. C’est pour ça que la poésie n’est pas populaire.
La poésie exclut la passivité. C’est fatal, un poème.
Si quelqu’un le lit en disant « Heille poème, émerveille-moi »,
ça ne marche pas.
Ce n’est pas un art de satisfaction, d’assouvissement.
C’est un art de connaissance, de participation au monde.
Un bon poème, c’est un véhicule d’émotions, de pensées, d’idées, de plaisir. »⎯ Citation extraite d’un article daté du 22 mai 2014 dans La Tribune,
« Un après-midi avec Michel Garneau »
Né à Montréal en 1939, Michel Garneau est un Autodidacte et touche-à-tout.
Il est annonceur de radio à 15 ans et écrit surtout de la poésie jusqu’à son emprisonnement pendant la crise d’Octobre en 1970.
Monument des lettres québécoises, il est l’auteur d’une soixantaine de livres, incluant une trentaine de recueils de poésie et 27 textes pour la scène.
Il est récipiendaire du Prix du Gouverneur général du Canada pour Les petits chevals amoureux (poésie) en 1978 et Mademoiselle rouge (théâtre) en 1990.
Traduites en anglais, en portugais, en allemand et en espagnol, ses pièces sont produites un peu partout à travers le monde.
Reconnu pour ses traductions et adaptations majeures d’œuvres de Shakespeare, de Garcia Lorca et d’autres grands auteurs, il a aussi traduit deux oeuvres de son ami, Leonard Cohen, dont Étrange musique étrangère (2000) et Le livre du constant désir (2007).
Les éditions Somme toute ont entrepris l’édition de ses oeuvres théâtrales complètes, dont sa traduction du Coriolan de Shakespeare montée par Robert Lepage.
Au fil des ans, son oeuvre poétique, d’une remarquable cohérence, a constamment affirmé une vision du monde à la fois hédoniste et douloureuse.
En 1988, Guérin éditeur avait publié ses Poésies complètes 1955-1987, maintenant épuisées.
Il nous a semblé que la meilleure façon de faire redécouvrir cette oeuvre importante serait de publier un choix, par l’auteur, des poèmes lui semblant les plus marquants dans ses textes publiés mais aussi parmi ses inédits.
L’hiver hier est un conte vécu : un tout jeune Michel Garneau passe le temps des fêtes dans la famille de son amoureuse lors de l’hiver 1958.
Les qualités poétiques de ce récit sont nombreuses mais ce qui frappe d’abord c’est l’incroyable richesse de la langue vernaculaire qu’utilise Michel Garneau.
Il y avait longtemps qu’on n’avait lu un texte aussi coloré, aussi riche en expressions de chez nous. La magie d’un terroir éclairé à la lumière du surréalisme nous fait ici songer au magnifique Objets de la nuit de Jean-Paul Martino. Un texte fabuleux, apte nous nous faire retomber en amour avec l’hiver !
Assis sur la muraille…
assis sur la muraille en fleur de mes limites
je regarde sérieusement dans son moment donné
oh le cadeau de vent woups l’allure de l’éternité
qui passe à toute vitesse
couché même des fois quand il fait beau tout bas
dans la rocaille douce de ma solitudineuse finitude
j’écoute l’herbe pousser à travers l’humus de mes os
et les dieux s’amuser
à me pisser la mort dans les cheveux
debout dans mon jardin de peurs bleues
bardé d’électronique et fort de ma musique
avec ma dormeuse bordée de ma belle nuit blanche
avec au loin mes camarades pacifiques
et plus loin encore mes camarades sanguinaires
mes compagnons
brassant jovialement de la bouse d’étoiles
je suis parfaitement libre
comme une métaphore
⎯ Michel Garneau | « Assis sur la muraille… »|
Les petits chevals amoureux, Montréal | VLB éditeur
les chevals sont des animals…
les chevals sont des animals doux et calmes
quand ils vont contents de se bien chevaucher
un petit cheval vient pour l’autre galopade
donnante et trotte en la neige de tous les sens
comme les dames quand elles lâchaient tout
pour chasser le chanteur et le surprendre
les plaisantes dames qui portent l’amour aux hanches
comme me porte le désir aux corps ventres si blancs
si chaleur cuisses et la tant surprise douceur des seins
au jardin de mon bestiaire les chevals se boivent
l’un l’autre en assoiffés allongés dans la source
au bestiaire de ma tête jardinière les chevals
s’offrent l’herbe miraculeuse de la légende d’amour
chevals à mes oreilles sont sonores noms des corps
où la force d’amour a mieux automne et mieux été
en des instants comme des chevaux accotés
⎯ Michel Garneau, « Les chevals sont des animals… »,
Les petits chevals amoureux,
dans Poésies complètes, vol. 1, Montréal,
Guérin Littérature/L’Âge d’homme, I988.