L’hypocrisie

selon MOLIÈRE (1622 – 1673)
comédien et dramaturge français

 

Le personnage d’homme de bien est meilleur de tous les personnages qu’on puisse jouer aujourd’hui, et la profession d’hypocrite a de merveilleux avantages.
C’est un art de qui l’imposture est toujours respectée;
et quoiqu’on la découvre, on n’ose rien dire contre elle.
Tous les autres vices des hommes sont exposés à la censure, et chacun a la liberté de les attaquer hautement; mais l’hypocrisie est un vice privilégié, qui, de sa main, ferme la bouche à tout le monde, et jouit en repos d’une impunité souveraine.
On lie, à force de grimaces, une société étroite avec tous les gens du parti. Qui en choque un, se les jette tous sur les bras; et ceux que l’on sait même agir de bonne foi là-dessus, et que chacun connait pour être véritablement touchés, ceux-là, dis-je, sont toujours les dupes des autres; ils donnent hautement dans le panneau des grimaciers, et appuient aveuglément les singes de leurs actions.