Ile Eniger

Ile Eniger
est née dans le Vaucluse, d’un père paysan lui communiquant le respect de la terre et d’une mère la sensibilisant à la poésie. Ile Eniger est l’épouse de l’artiste-peintre Emile BELLET.
Professeur de français et de philosophie, elle quitte rapidement l’enseignement pour se consacrer à sa passion, l’écriture. Poète et romancière, elle écrit dans la rigueur et l’exigence, plus haut que les tiédeurs et les habitudes.

Revues littéraires – Participation Abrégé d’Histoire Littéraire Français/Roumain – Lectures en médiathèques – Conférences – Cafés littéraires – Salons du Livre – Ateliers d’écriture – Revues poétiques – Spectacles poétiques avec la troupe « Les Pohémiens ».

« C’est une longue marche qui oblitère le soleil et neige d’aubépines. La saison change de chaussures, le jour est moins vieux, les arbres anciens savent. Encore un bel été se dit l’oiseau. »
Ile Eniger | Site : insula.over-blog.net

 
Éditions Alternatives et Culture
Regards vers ailleurs – Poésie

Éditions Corporandy
Empreintes – Poésie

Éditions Cosmophonies
Textes poétiques
La parole gelée
Les terres rouges
Une pile de livres sous un réverbère Du feu dans les herbes
Celle qui passe

Éditions Chemins de Plume
Textes poétiques
Du côté de l’envers – Dessins Emile Bellet
Il n’y aura pas d’hiver sans tango, mon amour Le bleu des ronces
Bleu miel
Terres de vendanges
Et ce fut le jardin – Photos Dominique Cuneo Poivre bleu
Un violon sur la mer
Boomerang
Le raisin des ours


BIBLIOGRAPHIE

La maison dans les airs
Le monastère de l’instant
Le chemin encore
Hors saison
Solaire
Compilations
Textes poétiques 2000/2004
Sur le parcours
Un chemin de papier
Nouvelles
Les petites grand-mères
Simples voix
Roman/récit
Les oiseaux ont de larges ailes
Jeunesse
Gwendoline, la rue du chat qui tousse – Dessins Émile Bellet
Gwendoline, l’oiseau en cage – Dessins Émile Bellet
Correspondance à quatre pattes Roman avec Corinne Josseaux Battavoine – Calligraphies CJB

Éditions Collodion
Textes poétiques
L’Inconfiance – Dessin Claire Cuenot Un coquelicot dans le poulailler

Éditions Le Libre Feuille
Poésie-Livres d’artiste
Le désir ou l’italique du jour – Encres Michel Boucaut
Une ortie blanche – Gravures Michel Boucaut – Prix Livre d’Artiste Salon d’Automne 2012 Paris Peu de chose – Encres et gauffrages Michel Boucaut

Éditions Amapola
D’une île, l’autre – Correspondances avec Dominique Ottavi Éditions Parole
La femme en vol – Roman
Revues poésie
(France) Les Citadelles – Lieux d’être – Les Carnets d’Eucharis – Nouveaux Délits – Menu Fretin – Dégaine ta rime – La voix des autres – J’ai rêvé une gare – (Belgique) Diptyque
(Canada) Histoires à boire debout
(Île Maurice) Point Barre

Extraits de Presse

« Ile marche nus pieds pour mieux sentir la musique des pierres. Elle s’avance nue vers les terres rouges de l’amour. Elle est quelque part sous un soleil de feu »

⎯ René Frégni (Écrivain)

« Une île entre le ciel et l’eau. Ce n’est pas un chemin tout tracé. Amoureuse, aérienne, rugissante, la femme qui habite ces poèmes renvoie à une sensibilité primitive, essentielle »

⎯ Thierry Wetzel (Journaliste)

« Entre le goût des images cosmiques, la quête du souffle, il y a un espace de prose attentive, juste, d’une beauté qui s’accomplit, d’un chemin de feu pour se connaître, aimer, et apprendre »

⎯ Olympia Alberti ( Écrivain )

« Tout est d’une pureté exquise dans les recueils d’Ile Eniger. Ils ont le mérite, en plus du talent, de nous faire croire à la merveilleuse beauté de l’amour. »

⎯ H.Bourdet-Guillerault ( Journaliste )

« Entre le goût des images cosmiques, la quête d’un autre souffle ou la recherche du sien propre, il y a un espace de prose attentive, juste, d’une réflexion, d’une beauté qui s’accomplit, d’un chemin de feu pour aimer et apprendre. À lire, pour connaître celle qui « n’invente rien qu’elle ne soit déjà ». »

⎯ Olympia Alberti ( Écrivain )

« Chez Ile Eniger, tout est affaire d’émotion. Impatiente, brûlante comme l’éclair, vagabonde comme le rêve, sans carte ni boussole, elle cache sous les mots, la morsure insoumise de l’épine de feu. Dans ces textes admirables, le lecteur trouvera partout des éclats de soleil. »

⎯ Victor Varjac ( Poète et journaliste )

« Ne vous fiez pas aux apparences, sous l’air sage de Ile Eniger, c’est un volcan de poésie qui entre en éruption. Ses mots en fusion ne sont pas moins brûlants que la lave, et s’ils dévastent les lecteurs, c’est pour mieux réveiller en eux un goût de vivre qui emporte tout sur son passage. »

⎯ Olivier Joseph ( Chroniqueur )

« Ile Eniger tisse une oeuvre à part où chaque mot s’ajuste « au millimètre » à l’ensemble. Son écriture a quelque chose d’hypnotisant, d’extrêmement concentré. Elle nous retient à la frontière de ce qui se dit et du silence de la contemplation. »

⎯ André Chenet ( Poète )

« Ile surveille ses mots comme une chatte, ses portées sont toujours très belles. »

⎯ Jean-Marc La Frenière ( Poète )

« Ile, vos poèmes m’enchantent, en vous lisant je pense à René Guy Cadou, j’éprouve pour votre écriture la même émotion qui naît de l’évidence »

⎯ Jean Ferrat ( Chanteur )

« Ile Eniger a une sensibilité bien particulière, c’est plus que du talent, c’est La poésie. »

⎯ Pierre Autin-Grenier ( Écrivain )

Extrait de « Bleu miel » – Ile Eniger – Editions Chemins de Plume
U

ne fanfare joue un disque de mémoire.
Je m’élance au-dedans.
C’est presque un autre temps.

Ne dis rien, raconte,

Descendue de l’image de la fille en avion, tu les as parcourus ces longues routes longues, ces terres bras tendus, ces granges de westerns aux drôles de chapeaux, ces villages isolés de vieux films irlandais. Tu les as approchées ces dormances de lacs qui s’inventent des fées, ces bisons légendaires, ces framboises géantes, ces façades de bois traversées de fantômes, ces pas de mocassins dans l’âme des poussières, ces ponts enferraillés de dentelles solides menant aux cœurs des villes. Et tu les as aimés ces théâtres perdus, retrouvés dans les arbres à la croisée des rangs. Cette parole nue en tréteaux et en planches, la voyageuse qui bouleverse. Je ne suivrai plus l’écriture de la même façon. Pour les mêmes raisons que là-bas il n’y avait pas de raisons. Que des graines et de l’eau, une poignée de sel.

Ne dis rien, raconte,

Pas de fureur du monde, mais des choses, des gens, qui habitent la neige en carte de Noël. Et qui s’abritent en gestes élémentaires. Ils sont nés depuis peu, ils en gardent l’élan et la place du simple. En bas des thermomètres, ils espèrent l’été. L’été, ils ensemencent. Ils sont avec ferveur. Leurs lessives se mouillent sur des cordes à linge qui sont là pour chanter. Chanter, ils chantent tous. Ou presque. Ils sculptent ou ils écrivent, peignent ou dessinent des jardins. Ils sont la vie sans argumentation. Ma vieille Promenade, vaniteuse et fardée, n’en croirait pas ses artifices, « des Indiens dans la ville ! ». Ils sont l’exact d’avant les artefacts. Des chercheurs d’un autre or, t’es-tu entendue dire, étonnée de le dire.

Ne dis rien, raconte,

Ils amourent des blondes de toutes les couleurs, circulent dans des chars qui vont magasiner. Ils défendent leur langue comme l’oiseau son nid. Ils prennent des cafés sur des chaises berçantes qui ont vu leurs grands-mères. Autour de leurs maisons courent des galeries sans volets ni serrures. Ils ont la table mise comme une main ouverte. Les eaux de leurs cascades enjouées et glaciales éparpillent leurs jupes. J’ai même vu un cheval entrer dans un salon, pivoter sans casser les guitares, et repartir joyeux retrouver son jardin. Ils vivent l’essentiel. Ils s’appellent Jean-Marc, Yves, Jojo et quelques autres. Ils parlent de leur fleuve comme on parle de soi. Leurs cadeaux sont gratuits et leurs rires sonores. Quelqu’un m’a dit, raconte, raconte ton pays. Comment dire le luxe inutile et clinquant, les valeurs ajoutées et le vieux continent qui meurt de suffisance. J’ai eu honte soudain. Leurs paysages nus vivent plus loin que nos affiches.

Ne dis rien, raconte,

Je ne connaissais pas des espaces aussi grands. Un chat avait perdu ses griffes. Un homme trouvait de l’eau. On mangeait du fromage à n’importe quelle heure, en petits dés de lait. Ma langue s’en souvient. Des oies sauvages enseignaient l’alphabet au troupeau des nuages. Une souris faisait danser la boîte à céréales. Des écureuils filaient sur des pistes d’envol. Le sucre tombait des arbres. J’ai même caressé un loup. Personne ne voudra me croire. Et la musique. La musique partout. Pour les plantes, pour les bêtes, pour nous. La veille du départ, la fanfare jouait, les gens me tutoyaient et semblaient me connaître. Ils m’entraient dans leurs mains, leurs sourires, leurs lieux, leurs gestes, dans leurs mots, ou est-ce le contraire. Ils riaient du décalage horaire. Et aujourd’hui demain, hier pour l’origine. J’en perds la précision.

Ne dis rien, raconte,

Ai-je rêvé qu’ils déplacent parfois une maison sur des grands skis de bois ? Qu’ils bûcheronnent des tonnes et boivent plus que boire ? Que la lumière pleut dans la pluie des érables ? Que les ours de tous contes vivent dans leurs forêts ? Ils sont l’autre parcours. C’était un autre temps. Je le nomme aujourd’hui, pour le plaisir, la certitude. Un murmure puissant, le grondement en fête d’un sous terre irrigué. Ils sont l’érable rouge qui embrase la neige. Ils fixent la photo d’une rétine neuve. Une fanfare joue. C’est hier ce matin. Ils sont l’exact, et tu l’écris.


Extraits de « Terres de Vendanges », Éditions Chemins de Plume

 

C’

est d’un cahier ouvert sur un coin de table que je ne dirai rien. Les jeux, les séductions, les artifices, j’y pense quelquefois, mais le simple me rattrape. L’éternuement d’un chat, le sang d’un géranium, une jacinthe pâle accouchée de la nuit, la mer à ma fenêtre. Toute chose accoudée à la table du jour. La grâce du peu décape l’inutile. Nettoie les outils. La soupe dans le bol, le repos de la terre, écrivent mieux que moi une lettre d’amour.

Les dernières sutures n’y pourront rien changer, les feuilles désertent. L’automne fait ses feux. Les jours empilent leurs caillasses grises. Un grésil glace l’herbe. L’exil ferme les nids. Le gel lace la terre. Le ciel tombe. Une grenaille d’eau mitraille les façades. Plus rien n’aura la force. La menace creuse le coeur des pierres. Les vignes pleurent. Le froid chasse les insectes. Des bémols au soleil éteignent sa portée. Le clocher timbre sourd. Les cailloux ballottés ravinent le chemin. Ne s’attarde plus l’heure, ni la fleur, ni la soif des fontaines. L’austère ratisse large.

Le ciel s’appuie sur ma terrasse. Simple bleu. Sans effets. Sans style. Sans vocation. J’écris de lui. Qui ne le sait pas. Un thé blanc m’accompagne. Du miel, résidu d’abeilles. Les yeux d’une orchidée traversent les quartz sur l’étagère. Force violette. J’écris à verse. La fenêtre fait l’échappée belle. Des montagnes à la mer, la neige troue ses robes où s’agite le vent. Une mésange huppée, drôle d’oiseau frisé, mange des graines dures. La chatte dans le jardin surveille ses petits. Touchée comme une femme, la terre fermentée fait ses premières fleurs. Le cycle recommence.


Extrait de « L’inconfiance », Éditions Collodion

 

E

lle sait les manques, les chemins à rebrousse jeunesse, les miroirs perfides, les carrefours, l’embuscade des sillons, tous les fléchissements. Elle sait les traîtrises d’automne, la lumière crue, la lumière nue qui appelle le corps par son âge. Elle sait l’inconfiance malgré la violence des désirs. Alors, elle voile la chute, protège l’intime, cherche la distance. Elle masque la peur, marche et sait qu’elle ne court plus. La cruauté naturelle ne laisse aucun doute, la route est plus courte. Pourtant, elle y boit toujours le soleil d’un trait. Encore son pas réunit l’eau et le galet. Doit-elle dire je quand elle parle d’elle ? A les voir se chercher, je me dis qu’il faut du temps pour joindre les deux bouts d’une femme.


Extrait de « Du Feu dans les Herbes » Éditions Cosmophonies

 

U

ne odeur de printemps attise les bourgeons. Des arbres serruriers ouvrent l’enchantement. Pommiers de fêtes, veines de feuilles, projets d’aubépine. Un frémissement parcourt l’angélus qui bouscule le silence. L’horloge s’épuise à dicter sa logique. Aux rideaux des façades les volets ne battent plus pour appeler à l’aide. Un plaisir visite les ramures. Rien n’arrête la course du vivant. Et le vieux monde, par un soleil de plus, pardonne encore à ses bourreaux.